AINSI, donc... les juifs de nos jours, ne se contentant pas d'oublier de mettre leurs téphillins tous les matins des jours ouvrables ont, en plus, oublié leur signification. Pourtant, il n'est pas besoin d'être croyant ou pratiquant pour s'en inspirer. La tephillah de la tête a quatre compartiments et dans chacun d'eux il y a un parchemin portant un texte de la Torah. Celle du bras n'a qu'un seul grand compartiment dans lequel se trouve un seul parchemin portant les quatre textes, l'un après l'autre. Au niveau de la pensée la liberté est totale. Symboliquement, quatre possibilités de base, blanc-blanc, blanc-noir, noir-blanc et noir-noir. Au niveau de l'action, une fois la décision prise apr?s discussion et vote, on agit tous ensemble dans le même sens. C'est la base de toute société démocratique. C'est aussi la base de toute action quelle qu'elle soit, politique, économique, militaire, sociale, médicale ou autre.

Le peuple juif, solidaire et uni pendant des si?cles, sans gouvernement et sans police, donne l'impression aujourd'hui d'avoir oublié cette vérité de base et on voit les énergies se disperser dans toutes les directions. D?s qu'on pense différemment — on agit différemment, sans soumettre sa pensée à la discussion ni au vote. Le pluralisme — un des fondements de la vie juive — est détourné de son sens pour devenir une justification d'actions antagonistes. C'est l'anarchie dans le sens litt?ral du terme. Serait-ce la non-reconnaissance de l'unité du peuple juif due à deux si?cles d'émancipation et d'intégration dans les nations d'accueil. C'est possible. Mais alors le prix à payer en est exorbitant. Ou bien est-ce tout simplement, l'oubli par manque d'autorité légale et de contrainte. Mais it est grand temps de s'en souvenir, à nouveau, il y va de l'avenir de notre peuple.

AAinsi, donc ...depuis de longs si?cles, nous célébrons dans le désordre la soirée la plus importante de l'année liturgique juive, la soirée de Pesa'h. Qui plus est, cette soirée s'appelle Seder, qui veut dire Ordre ou Ordonnancement. Il suffit de bien examiner les fameuses quatre questions que pose l'enfant de la maison à son père pour se convaincre qu'au moment o? il le fait, il ne peut absolument pas avoir connaissance de leur contenu; il ne peut savoir ni qu'on ne mange pas de pain ni qu'on mange des herbes am?res ni qu'on trempe par deux fois les aliments, ni qu'on mange accoudé, pour la simple raison que le repas n'a pas encore eu lieu.

Par contre, tout devient simple si on envisage un ordre différent selon lequel la soirée commencerait par le repas, apr?s lequel seraient posées les questions et récitées les réponses. C'est comme cela que se déroulait la soirée du temps de la Michnah. Mais alors, pourquoi ce changement? Serait-ce parce que devant les affres de la perte de la souveraineté nationale et de la destruction du Temple il était trop pénible de raconter longuement la sortie d'Egypte? C'est possible. II y a des situations de malheur ou un trop grand espoir est douloureux. Est-il temps pour nous aujourd'hui de retrouver le rythme ancien? Certain, en Israël, ont réintroduit la cinquième coupe de vin. Le retour aux sources peut être, parfois, l'innovation la plus moderne.

A

insi, donc... on peut écrire et publier, aujourd'hui à Paris, un certain livre sur le calendrier hébraique, trés détaillé, bien documenté, tout-à-fait moderne au point d'inclure une programmation informatique, et dans lequel Yom Ha'atsma'outh est totalement absent. Pas seulement absent pour le passé et pour le présent, mais aussi pour l'avenir, au moins jusqu'en 2050, date à laquelle s'arrète le calendrier de référence. Aucune chance ne lui est offerte. On peut donc être juif aujourd'hui, qui plus est, juif de la tradition et de la fidélité et considérer que le fait que le peuple juif ait pris possession de sa terre et qu'il y exerce sa souveraineté soit quelque chose de neutre, de non-signifiant.

J'avoue avoir une préférence pour les Netourey-Qarta de Me'ah Che'arim. Eux, au moins, en font, un jour de deuil, donc, un jour qui n'est ni absent ni neutre. Nous savons, par tradition, que les jours de jeûne sont appelés à devenir des jours de fête, donc, une chance est laissée à Yom Ha'atsma'outh de devenir jour de fête à l'avenir.
Il n'y a pas de corps juif, c'est-à-dire, de communauté ou d'Etat juif sans spiritualité juive, mais, en même temps, il n'y a pas de spiritualité juive, sans corps juif. Jusqu'à quand durera cette dichotomie entre les tenants du corps sans âme et les tenants de l'âme sans corps.

A

insi, donc... on peut réunir à Paris, aujourd'hui, des gens pour traiter du sujet: "Qui est juif?", sans que la voix de la Tradition soit présente. En effet, le Mouvement juif libéral de France et la revue Passages ont organisé, pendant la fête de Pessa'h, une table ronde traitant de ce problème où il se trouvaient un laïc militant, trois représentants du MJLF, le directeur de Passages, un sociologue, un protestant et un psychanalyste. En fait de "table ronde" elle était plutot anguleuse. Nous avons entendu un rabbin- libéral soutenir que la Torah écrite et la Torah orale étaient en contradiction; depuis le temps des Karaïtes on n'a rien entendu de mieux. Nous avons entendu un laïc attaquer violemment l'approche traditionnelle en y "décelant" des contradictions. Nous avons entendu un psychanalyste proposer une approche émotive et sentimentale où la seule exigence rigoureuse était redoutable: pour être juif il fallait être un "inventeur". Nous avons entendu un protestant (qu'est-ce qu'il faisait là?) nous parler des musulmans.

ll a du se tromper de table ronde. Nous avons entendu autre chose aussi: des citations d'André Néher, fidèle parmi les fidèles de la Tradition, à propos de thèses qui ne l'étaient pas. Pas une voix pour présenter la défense de la vision millénaire du problème, la seule pour laquelle il y a eu consensus et unanimité pendant tous les siècles de l'existence juive, la seule reconnue sans réserve, la seule reconnue par tous les juifs, quels qu'ils soient, encore aujourd'hui.
On a l'impression que les problèmes essentiels de l'existence juive et de l'identité juive sont traités comme si la Tradition était morte, que ses fidèles n'existaient plus et qu'on partageait ses dépouilles pour en inventer une nouvelle.
Nous, fidèles de la Tradition et soucieux en même temps de sa vitalité et de sa rénovation, savons que ceci n'est certainement pas le chemin à suivre.

Nous ne laisserons pas taire notre voix.

Ainsi donc ...

Notre frère américain, Woody Allen, nous a gratifiés récemment de deux oeuvres. La première, en compagnie de quelques autres écrivains et intellectuels juifs américains, était une page publicitaire dans le New York Times, consacrée à un discours anti-israélien d'une violence rarement atteinte même par nos ennemis, autour du thême de l'abandon des valeurs juives. La deuxième une participation à un film, New York stories, sous forme d'un sketch autour du thême de l'attachement indéfectible à des valeurs qu'on dit juives. Le sont-elles vraiment?
Il fut un temps où les juifs passaient leur temps sous le regard du ciel, haut et lointain, plein de la présence de leur père, Saint et Immatériel, qui leur permettait de pénétrer en eux-mêmes. Aujourd'hui, si l'on en croit le film, ce serait toujours le même sentiment d'être regardé du ciel, mais ce ciel-là est plus bas, tout proche et habité par leur mère de chair et de sang, qui, avec les meilleures intentions du monde, les pousse hors d'eux-mêmes, dans tous les sens du terme.
Il fut un temps où les juifs, dans les moments les plus forts de leur être intérieur comme, par exemple, à Kippour, se prosternaient face contre terre, à plat ventre, devant leur Roi, Saint et Redoutable. Aujourd'hui, ils préfèrent le décubitus dorsal sur le divan de leur analyste.
Il fut un temps ou les juifs gardaient leur humour pour soulager l'étroitesse de situations sans issue. Aujourd'hui, cet humour sert à entretenir leur masochisme dans un temps ou toutes les issues sont offertes. En ce qui me concerne, je serais prêt à vivre une longue année chabbattique de cet humour-là.
Alors les valeurs juives dans tout ça?
Que tout ceci ne vous empêche pas de passer de bonnes vacances, surtout si vous les prenez en Israël.

Ainsi donc ...,

En vous souhaitant la bonne année 5750, nous appuyant sur la Tradition, nous avions imaginé une année pendant laquelle l'Histoire se mettrait en accélération. Nous ne pouvions pas imaginer que nous aurions raison au-delà de ce qui était imaginable. Pourtant,à regarder ce qui se passe chez nous, soit en Israël; soit dans la communauté, on a l'impression que tout le monde est au courant sauf nous-mêmes. Les laïcs continuent à croire qu'on peut imaginer un peuple et un Etat juif qui feraient l'impasse sur la spiritualité millénaire d'Israël. Les orthodoxes, que l'on peut être traditionaliste sans innovation; les libéraux, qu'on peut faire avec la Tradition n'importe quoi, même la bafouer au nom d'une prétendue "dignité humaine" qu'elle ne saurait assurer. En politique, c'est la même chose. Une vision totalement polarisée, d'un côté comme de l'autre. Une impression de paralysie. Personne ne se remet en question et personne ne veut occuper le centre, lieu par excellence des choix juifs.
L'année qui va commencer pour nous pendant ce mois de septembre, 5751, s'appelle, en hébreu, Taw-Chin-Noun-'Aleph.
Tihye Chnath Nousa'h 'A'her , c'est-à-dire, que 5751 soit pour nous une année d'une "autre version", d'une autre vision, d'une autre manière de voir les choses. C'est le moment où jamais de prendre cela au sérieux.
Bonne année et bonne "signature" pour Kippour.

Ainsi donc ...

Nous nous pensions victimes et nous voilà dans le box des accusés. A en croire le Pape, nous aurions trahi l'Alliance contractée avec Dieu au Sinaï, nous avons été jugés et condamnés à être remplacés par de meilleurs que nous, porteurs d'une nouvelle Alliance. Comme nous sommes le peuple de Dieu, le peuple-prêtre, toute atteinte à notre vérité est, ipso facto, une atteinte contre Dieu, autrement dit, une profanation. Nous sommes tenus de répondre à nos accusateurs quel qu'en soit le prix. Une des qualités majeures de notre peuple a toujours été le courage. L'aurions-nous perdu? Nous sommes-nous mis à nous taire par peur? Sinon, comment expliquer le silence total aux déclarations en cause de la part des autorités religieuses juives?
N'étant pas catholiques, nous ne sommes pas tenus au respect du principe de l'infaillibilité du Pape. Pour nous, il peut se tromper et quand il se trompe en ce qui nous concerne, nous devons le dire haut et fort.

Si j'étais un porte-parole du Judaïsme, j'aurais, d'abord, cité le nouveau testament (Matthieu, 7, 1-3): Ne jugez pas, pour ne pas être pas jugés... Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'œil de ton frère et la poutre qui est dans ton œil, toi, tu ne la remarques pas!
Je me serais, ensuite, étonné que moins de cinquante ans après la Cho‘nah, réalisée en terre chrétienne par des peuples chrétiens, on puisse juger le peuple de Dieu et faire croire qu'on est le peuple d'une Alliance réussie avec Dieu.
Quelle erreur de se concentrer sur l'affaire du Carmel, branche de l'arbre, quand le vrai problème que nous avons à résoudre avec nos frères chrétiens est au tronc et à la racine.
A quand donc une parole juive de vérité juive dite clairement et sans peur. "Bonne signature" pour Yom Kippour. Joyeuses fêtes pour Soukkoth et Chemini-Atsereth

Ainsi donc ... comme tous les ans à pareille époque, c'est la rentrée scolaire. Enseignants et étudiants vont reprendre le chemin des salles de cours et des bibliothéques. Une nouvelle génération de jeunes juifs va participer au mouvement en vue de devenir, demain, les savants remarquables dans toutes les disciplines. Nous aurons les spécialistes de I'économie marxiste déclinante et les meilleurs analystes du neo-libéralisme. Nous aurons aussi de nouveaux "nouveaux philosophes" et des physiciens, mathématiciens et que sais-je encore. Les uns et les autres ne penseront pas la même chose, ne se ressembleront pas, sauf sur un point: la plupart d'entre eux ne connaitront pas la différence entre Baba Qama et Baba Batra ni la différence entre une Halakhah De'oraIta et une Halakhah Derabbanan. Beaucoup d'entre eux, pour devenir des intellectuels "comme il faut" ajouteront à leur savoir, qui, une connaissance du "nouveau roman", qui, une passion pour les néo-figuratifs en peinture, qui, une spécialisation dans l'école de Vienne avec, pour certains, une super-spécialisation dans les différences entre le dodécaphonisme de Schoenberg et celui de Webern.

Mais ils ne sauront toujours pas ce que veut dire le Samaq ou le Samag, ni les raisons pour lesquelles il ne faut pas sortir avec un mouchoir dans la poche le jour du Chabbath. Le plus grave est que, tout en étant fiers de leurs nouvelles acquisitions scientifiques et culturelles, ils n'auront pas honte de leurs ignorances juives. C'est ce; qui me fait honte à moi.
Mes frères en études! Dans le temps, les juifs, solidaires de leur communauté prélevaient deux fois 10% de leur richesse pour le service de Dieu. Pourquoi ne feriez-vous pas de même avec le temps consacré à l'étude: 20% de ce temps consacré à l'étude du judaïsme, un Ma'acer,-Zman" (Impot du temps).
Ce n'est pas trop cher payer pour ne pas avoir à sourire chaque fois que vous êtes obligés de reconnaitre votre ignorance.
Bon courage et bon travail.

Ainsi donc ... certains de nos frères, parmi les mieux lotis intellectuellement, remplissent des colonnes dans les journaux du pays pour dire, qui, son dégout du Judaïsme et d'Israël et son enchantement à l'idée que le peuple juif va, peut-être, à sa fin; qui, pour attaquer le Judaïsme au nom d'une laïcité à toute épreuve, ou de la défense d'une France républicaine, jacobine à outrance, ne supportant pas ce qu'il appelle les "tribus". A se part d'oò vient cette hargne, ce désir de mort pour son peuple et sa spiritualité.
Tout ceci n'est pas nouveau. Lisez les écrits juifs tout le long du XIXème siècle, temps de la grande assimilation. Si c'était incompréhensible alors combien plus maintenant, aprés la naissance de l'antisémitisme raciste moderne, de l'affaire Dreyfus, de la Cho‘ah et de la résurrection de la nation israélienne.

On dit de nous que nous sommes les spécialistes de la mémoire et de la logique. Il faut croire que l'envie de disparaitre, en tant que juif, chez certains, est si forte qu'elle fait perdre les qualités les mieux ancrées. Nous, de la fidélité, qui savons qu'on n'a pas besoin de se dissoudre pour être de bons citoyens des pays ou nous sommes exilés, qu'on n'est pas obligé d'être plus républicain que les républicains pour aimer et servir La République, qu'on n'a pas besoin pour aimer les hommes d'abandonner sa tradition spirituelle qui, bien qu'en alliance avec Dieu, n'a jamais oublié l'Homme, nous restons perplexes. Comment faut-il réagir? Par la colère devant ce témoignage public de haine de soi et de nous, ou bien, par la pitié devant tant d'entètement dans l'aveuglement.

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Ainsi donc ... est la rubriqe mensuelle que Benjamin Duvshani anime, et il préface ainsi chacune de ses colonnes.