Ainsi, donc ... La civilisation européenne, après des siècles d'intérêt, a rejeté l'Hébreu dans les oubliettes. Se voulant un arbre avec trois racines, Jérusalem, Athènes et Rome, elle a fini par déraciner l'élément juif pour ne garder que le tronc gréco-romain. C'était cela le sens du retour au classicisme, le point de départ de l'humanisme moderne.
Si ceci n'avait qu'un aspect culturel, le mal serait grand mais supportable. Le problème est, en réalité, tout autre. Au dessus du choix culturel se trouve, et ceci est grave, le choix spirituel. II s'agissait d'évacuer l'élément de sainteté acquis par l'Europe à travers le message chrétien qui, même incomplétement, charriait l'essence d'une parole de Dieu, parole Sainte, venue d'ailleurs, donc, reconnaissant une limite imposée à l'homme et lui indiquant la nécessité d'un absolu extérieur à lui.

Nous, Juifs, qui nous sommes rués vers ces lumières de la Renaissance et des siècles suivants, ne savions pas, dans notre naïveté, que nous préparions notre condamnation. d'un élément indispensable, positivement ou négativement, à l'Europe nous sommes devenus un élément étranger, génant, rappelant des vérités dont personne ne voulait plus, y compris beaucoup d'entre nous. même la renaissance de l'Hébreu a été vécue comme une manière de greffer l'avenir juif sur ce tronc Gréco-Roman important au lieu d'être une occasion de redevenir une racine essentielle par laquelle cheminerait une sève dont l'Europe et nous-mêmes avions tant besoin.
Il faut retrouver notre langue. Pas seulement l'Hébreu moderne, pour notre construction comme nation vivante, mais aussi l'Hébreu de notre Torah, garant de notre santé spirituelle et de celle de l'humanité toute entière.

Ainsi donc... à suivre l'enseignement du Rav Soloveitchik, deux Alliances caractérisent le peuple juif actuellement. L'une, englobant tous les Juifs, religieux et laïcs, est l'Alliance de destin, Berith Goral, faite d'une histoire commune, de solidarité et d'une responsabilité partagée. C'est grâce à cette Alliance que la construction d'Israël est possible ainsi que de toutes les communautés diasporiques. L'autre, l'Alliance de destinée ou, encore, de destination, Berith Yi"oudh, qui ne concerne que les Juifs qui la veulent et qui s'y engagent par leur fidélité à la croyance ancestrale.

On pourrait dire schématiquement que l'une est le résultat de la sortie d'Egypte, l'autre, du face-à-face avec l'Eternel au mont Sinaï.
Comment vivre en paix cette situation? C'est là la grande difficulté interne de notre peuple. La tolérance mutuelle certainement, mais quelle tolérance? Pas celle passive et soporifique, de l'entente à tout prix. Plutôt celle qui n'efface pas les désaccords, qui les accentue même, tout en mettant en valeur ce qu'il y a de commun et qui insiste surtout sur l'unité du peuple Juif.

Ainsi, donc.., Si nous continuons à réfléchir à ces deux Alliances, celle du Destin et celle de la destinée, dont j'ai parlé le mois dernier, on se rend vite compte qu'en classant les Juifs dans l'une ou l'autre, on n'a pas tout dit et pour cause. Il existe un "no man's land" entre le peuple juif et les autres où on trouve tous les Cohen, les Levi, les Bensoussan, les Israelovitch et les autres, nés de père juif et de mère non-juive et qui, qu'on le veuille on non, qu'ils le veuillent ou non, font partie de l'Alliance de Destin. Souvent, d'ailleurs, ils le veulent et s'en réclament. Voila un sujet de réflexion important pour les penseurs juifs de la Modernité.

La Loi absolue, Halakhah Lemoche Misinaï, les considèrent comme des non-juifs et, pourtant ils sont des nôtres. Il ne reste qu'un chemin ouvert, celui de la conversion. II paraitrait même, selon quelques mots en écriture de Rachi du Choul'han Aroukh, qu'une fois convertis, ils ne seraient pas considérés comme tels mais comme des Juifs de naissance. Il faut donc trouver la solution dans ce chemin-là mais au prix d'une double compréhension. Celle des autorités rabbiniques qui doivent se sentir interpellées et responsables en tant que détentrices de l'avenir du peuple et de la paix de ses enfants. Celle, encore plus essentielle, de ces Juifs non-juifs, que le chemin, le seul chemin, passe par la spiritualité, c'est-à-dire, par un engagement dans I'Alliance de destinée.

Ainsi, donc... en ce mois de Nisan, mois de Pesa'h, mois de commêmoration de l'exode, il nous arrive des nouvelles d'un autre exode, réel et actuel celui-là, l'exode des Juifs laïcs de Jérusalem. Ils ne peuvent pas cohabiter avec les 'Haredim, les ultraorthodoxes. On pourrait épiloguer sur la réussite ou l'échec du Sionisme à Sion. Les 'Haredim étant. soit non-sionistes soit antisionistes, ceci ne servirait pas à grand chose.

Il reste un sentiment de honte et de désespoir au fond du coeur. La ville juive par excellence ne serait donc pas un lieu où les Juifs peuvent vivre en tolérance mutuelle?
Sans le Sionisme il n'existerait pas une grande communauté à juive à Jerusalem. Sans la Torah, l'envie d'y vivre n'existerait pas. Faire comprendre aux 'Haredim qu'ils ne peuvent pas imposer par la force leur manière de vivre aux laïcs et aux laïcs, qu'on ne peut pas vivre à Jérusalem comme si la Torah n'existait pas. Il y va de la légitimité juive de Jérusalem.
L'an prochain à Jérusalem

Ainsi, donc ... comme depuis 44 ans, nous allons célébrer Yom Ha'atsma'outh, le jour de l'indépendance d'Israël. Certains, en Israël même, ne fêteront pas ce jour-la. Certains en feront même un jour de deuil. C'est la réalité de notre peuple aujourd'hui. Il y a ceux qui restent totalement fidèles à l'exil du deuxème Temple, meme s'ils vivent sur la terre d'Israël, et il y a ceux qui construisent le troisième. Cela ne sert à rien de se faire la guerre entre ces deux manières de voir. II faut, au contraire, trouver un modus vivendi qui permettra aux uns et aux autres de cohabiter sur la même terre. Des Juifs ultra-orthodoxes vivaient en Terre d'Israël avant le Sionisme. lls ont donc le droit d'y vivre même s'ils ne se solidarisent pas avec I'Etat d'Israël.

Le problème à résoudre est d'un autre ordre. Est-il possible de faire participer à la vie démocratique du pays ceux qui ne s'intéressent pas à l'existence de I'Etat et ne font pas le service militaire? Voilà la vraie solution préservant la vraie Indépendence de chacun: on laisse ces gens-là en paix pour qu'ils puissent continuer leur vie comme ils l'entendent en les respectant pour ce qu'ils représentent dans I'Histoire juive mais on leur interdit tout droit d'élire et d'être élus dans les instances démocratiques du pays. Un jour, leurs enfants qui sont nombreux, changeront d'avis et rejoindront le peuple juif en marche vers son avenir. Ce choix dépendra, videmment, de la capacité d'Israël de retrouver le chemin de sa spiritualité.
Bonne fête de I'Indépendance aux uns et bonne Hiloula de Lagh Baomer aux autres.

Ainsi. donc... la Kneseth. Parlement israélien, a instauré dès les premières années de l'existence d'Israël une journée de commêmoration, Yom Haccho'ah Wehaggebhourah, en souvenir de tous les morts de la tentative nazie de génocide, qu'ils soient morts les armes à la main ou avec une prière sur leurs lèvres. La Kneseth ?tant une instance laïque. cette journée était pensée comme une célébration laïque, concernant tous les Juifs, dans laquelle la participation religieuse doit être ce qu'elle a toujours été quand il s'agit de souvenir de morts, c'est-à-dire. la récitation, dans le recueillement, de 'El Male Ra'hamim et du Qaddich.
Tout ceci, évidemment, dans la dignité et dans la pudeur.

Ceci est en accord avec l'idée que la Cho'ah n'a aucune signification spirituelle sauf celle de nous prouver que l'homme est encore capable de la pire barbarie, mais ça, le Judaïsme l'a toujours su. Il y a, par contre. une journée dans le calendrier juif où toute pudeur est superflue. Il faut. au contraire, aller sur la place publique et crier haut et fort qu'il y a 3304 ans, un certain jour du mois de SiWan, Dieu s'est révélà à l'humanité à travers nous, peuple-prêtre, pour nous permettre d'espérer sortir un jour de la barbarie gréce à une Alliance avec Lui. Révélation non pas permanente et continue mais unique. Le jour de Chabhou"oth qui commêmore cet évènement inouï, nous devrions dresser des tentes dans tous les carrefours pour proclamer urbi et orbi ce message-à?. Cessons de faire, du mal que les autres nous veulent, le contenu de notre spiritualité.

Ainsi, donc... une photo parue dans l'Arche de juin et montrant côte à côte le représentant de la légalité juive en France et un des représentants de la dissidence est ressentie par certains comme une image d'une paix retrouvée. Ce n'est pas mon cas.
Oui, tout aurait été beau si ceci était le résultat d'une vraie réconciliation. Dans ce cas nous aurions appris avec joie que dans la communauté juive il ne se pratique plus de fausses conversions ni de faux mariages ni, surtout, de faux divorces. Nous aurions appris, avec joie, qu'il n'y a plus en France un "Beyth Din" parallèle ayant une référence juridique différente de celle du "Beyth Din" officiel et légitime. Ceci n'était pas le cas. Alors, plutôt que dans la sérénité, cette image nous plonge dans le trouble. La caution apportée, volontairement ou non, à la dissidence, détruit notre cohérence quelle que soit l'occasion, surtout quand il y a beaucoup à dire sur l'évènement même qui l'a créée.
Il y a des fonctions qui obligent ceux qui en sont investis à des devoirs particuliers. Il me semble que dans ce cas ces devoirs n'étaient pas respectés.

Ainsi, donc ...
Ainsi, donc...si vous n'avez pas trouvé mon billet du mois du juillet ce n'est pas faute de l'avoir écrit. Il a été, tout simplement, jugé trop pol?mique, cest-à-dire, trop guerrier et refus? au nom de la "paix communautaire", le "Chalom". Quand on sait que Chalom est un des noms de Dieu et que l'utilisation du mot dans un contexte où la paix n'existe qu'en apparence constitue une forme d'idolâtrie on peut se demander si la décision était bonne.
De toute façon, la Loi juive interdit, en cas de punition par le fouet, de donner plus de trente neuf coups et ce billet, qui se voulait franchement guerrier, étant le 39ème de la série, il était nécessaire de l'arrêter là, au risque de devenir mortel soit par son impact soit par l'ennui qu'il risquait de provoquer. Je prends, donc, congé de vous en espérant vous retrouver plus tard, sur un autre sujet, avec, qui sait, un autre esprit.
Que vous soyez tous inscrit pour une excellente année 5753 qui commencera à la fin de ce mois de septembre.

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Ainsi donc ... est la rubriqe mensuelle que Benjamin Duvshani anime, et il préface ainsi chacune de ses colonnes.