Reconnaissances, L'Arche. 1997

Quel est le Palestinien qui ne considère pas les Israéliens comme des usurpateurs, voleurs de sa terre?

Il y a exactement 80 ans, en a novembre 1917, la Grande-Bretagne. grande puissance de l'époque. a reconnu le droit du peuple juif sur la terre d'Israël (Palestine). Il y a exactement 50 ans, en 1947, toujours en novembre, les Nations unies ont reconnu ce même droit. Au même moment, les Arabes ont refusé cette reconnaissance.

Il y a exactement 20 ans, en novembre 1977,  devait avoir lieu un événement considérable, la reconnaissance de ce droit par le plus grand pays arabe, l'Égypte. Cet événement n'a pas eu lieu. Avec le recul, il apparaît d'une manière de plus en plus évidente que ce que l'Égypte offrait à lsraél était une tolérance, une constatation de la réalité de son existence. Ne pouvant le vaincre militaire­ment, l'Égypte a signé avec Israël un traité de paix qui lui permettait de récupérer le Sinaï. Cette paix n'était pas la bonne et elle ne l'était pas parce qu'il y manquait l'élément essentiel, la reconnaissance que les Juifs étaient chez eux en Éretz-lsraël. L'accord Israël-OLP de 1993 souffre des mêmes défauts. Au nom de la realpolitik, on a renoncé à l'exigence primordiale d'Israël vis-à-vis des Arabes:

la reconnaissance de droit. C'est le défaut majeur de cet accord et la raison principale de la difficulté — et, probablement, l'impossibilité — de son application. Qui est le Palestinien qui ne considère pas les Israéliens comme des usurpateurs, voleurs de sa terre?

Circonstance atténuante pour les Arabes: l'attitude des Israéliens par rapport à cette terre qu'ils disent leur et qu'ils ne savent pas posséder; un cer­tain discours, de plus en plus entendu dans les milieux intellectuels et universitaires, sur le fait que le peuple juif n'aurait aucun droit historique sur cette terre — il n'y aurait que des droits existentiels. Cette pensée, au nom du rationalisme et de la démocratie, va jusqu'à l'absurde en continuant d'accorder à une partie de la population une dispense de participer à la défense du pays, tout en permettant aux députés de cette partie de la population de prendre part au vote qui touche à l'avenir de la relation du peuple juif avec sa terre

.Au nom de la realpolitik, on a renoncé à l'exigence primordiale d'Israël vis-à-vis des Arabes: la reconnaissance de droit.

A poursuivre dans cette voie, on aurait dû, en 1948, créer, à la place d'Israël, un État palestinien à grande majorité arabe. Étrange de constater à quel point est répandue l'idée que la politique est faite avec de la politique. Quelle erreur! La politique se fait avec l'inconscient des peuples. Toute impatience est mortelle. «La paix maintenant» est un slogan suicidaire qui, loin de hâter la venue de la paix, confirme l'ennemi dans la justesse de sa cause et lui insuffle du courage pour persister dans l'irrédentisme. C'est la reconnaissance vraie d'Israël par les Arabes qui peut ouvrir le chemin de la générosité d'Israël vers les habitants arabes de la terre d'Israël, car comment un usurpateur serait-il généreux?

Le problème de la reconnaissance ne concerne pas uniquement les relations entre Israël et le monde arabe. Les relations entre les Juifs et l'Eglise sont concernées de la même façon. Nous avons assisté à de nouveaux gestes de l'Eglise vers nous depuis un certain temps, mais le problème reste entier tant que l'Eglise ne se décide pas à se faire violence jusque dans ses dogmes et sa théologie, pour définir l'espace réservé au judaïsme dans l'économie spirituelle de l'humanité.
Il n'y a de paix possible entre Israël et les Arabes, entre Juifs et chrétiens qu'à une double condition: la reconnaissance que dans l'espace arabe qui s'étend du golfe Persique à l'Océan Atlantique il y a un lieu qui n'est pas arabe mais juif, et la recon­naissance que dans le message universel du christianisme il y a une place réservée au peuple prêtre que nous sommes et que nous n'avons aucun besoin d'une nouvelle Alliance pour accomplir notre mission. •

1997